
La poïétique du volumiphonique / The poiesis of the volumiphonic

English version : https://jeanvoguet.com/wp-content/uploads/2025/05/2025-01_jeanvoguet_concept-volumiphony_en.pdf
Le terme diffusion multicanale s’avère imprécis au regard des possibilités et choix qu’il implique. Car des dispositifs x,y vs x,y,z n’ont pas grand chose en commun tant au niveau compositionnel de l’œuvre que pour son écoute. Dans le premier cas, il s’agit de mesures/distances en 2D et donc d’une pensée et écoute linéaire ; pour le second cas il s’agit de mesures/distances en 3D et donc d’une pensée et écoute volumique.
Historiquement, le multicanal a tout d’abord été développé linéairement : quadriphonie, octophonie, etc. Les recherches se sont ensuite poursuivies sur des espaces volumiques : cube, dôme, etc.
Le 3ème âge [1] de ce processus – plus que jamais volumique – s’oriente sur la conception d’espaces dits “forêts primaires” à contrario des formats Ambisonics et Atmos [2] car heureusement l’espace de nos vies est infiniment plus vaste et beaucoup moins normalisé. Les formations et vibrations des sons dans l’air/espace méritent beaucoup mieux que ces réductions extrêmement limitatives quant à la circulation et à la situation des masses sonores spatiales.
Afin de préciser une terminologie – actuellement trop brouillonne [3] – qui permettrait de mieux définir la métrique spaciotemporelle des masses sonores et du chemin géodésique de chacune d’elles dans son espace-temps courbe, le terme volumiphonie semble le plus adapté pour définir une diffusion multicanale en 3D. Qui plus est, il s’inscrit dans la lignée étymologique de ses prédécesseurs : stéréophonie, octophonie, ambiphonie, etc.
[1] Jean-Marc Duchenne le présente excellemment dans https://youtu.be/Z1R48MTQE40
[2] Ces formatages induisent une une compression sonore d’où une déprédation significative de la qualité des sons.
[3] Laissons la multiphonie au chant choral, d’ailleurs ce terme ne résout en rien les différences entre linéarité et volumique.

Spectral view of the first 2 movements of my new and first volumiphonic work (32 channels). Writing in progress

La curiosité amène à tester les plateformes d’IAgénérative dédiées à la “création” musicale. Il faut dire que certaines, plus particulièrement stableaudio, sont incroyablement efficaces. Même si celles-ci, destinées plus particulièrement aux “producers” (car cela reste avant tout un outil mis en place pour le musical business), ne semblent pas à priori adaptées à la recherche musicale, elles s’avèrent très performantes quant à générer des matières sonores inouïes. Grosso modo, en très peu de temps d’apprentissage, il devient possible de produire des sons complexes en quelques secondes alors que ceux-ci demanderaient des heures d’élaboration sur les outils habituels de synthèse sonore.
Au-delà de ce “miracle” si tentant se trouve le pourquoi de cet article.
Sans aborder le plagiat induit inéluctablement par le deep learning très actif de ces plateformes, car de toute façon il ne présente aucun “danger” pour des musiques non formatées qui ne font partie d’aucun marché lucratif, il faut cependant porter toute notre attention sur l’aspect énergivore de cette pratique.
Les prévisions actuelles indiquent une multiplication de 4 à 9 fois de la consommation énergétique de l’IA d’ici 2050. Autant dire que la situation est intenable sachant qu’aujourd’hui celle-ci représente déjà une émission de CO2 presque équivalente à celle de l’aviation civile.
Agissant quotidiennement pour limiter mon empreinte carbone [1] et au même titre que d’avoir toujours refusé de publier mes œuvres sur CD ou 33t [2], il m’est impossible éthiquement de valider l’utilisation de l’IA même pour poursuivre des recherches artistiques car il n’est pas acceptable que cela se fasse sur le dos de notre planète.
Il nous faut aussi ne pas oublier les autres méfaits majeurs induits par l’utilisation de l’IA que sont une régression sans précédent des droits & libertés ainsi que la démultiplication des violences du néolibéralisme et de l’État.
Aussi, tout artiste se devrait d’évaluer la faisabilité de chacune de ses utilisations de matériaux, de chacun de ses modes d’action, etc… avec tout ce que cela implique environnementalement et humainement.
De toute façon, les compositeurs et musiciens disposent actuellement d’une telle palette d’hardwares, de logiciels & plugins que l’IA – écocide [3] – n’est vraiment pas fondamentalement nécessaire dans leur processus créatif.
[1] Tout le matériel composant le dispositif 32.2 du CRANE lab a été acquis en seconde main, les enceintes trop gourmandes en énergie ont été remplacées par des plus petites, plus adéquates au volume de l’espace de diffusion.
[2] La matière des CD se compose de polycarbonate qui libère du BPA (perturbateur endocrinien). Celle des 33t : de polychlorure de vinyle, un vrai poison !
[3] La Quadrature du Net : (…) ces politiques sont dangereuses dans la mesure où, loin de la technologie salvatrice souvent mise en exergue, l’IA accélère au contraire le désastre écologique, amplifie les discriminations et accroît de nombreuses formes de dominations. Le paradigme actuel nous enferme non seulement dans une fuite en avant insoutenable, mais il nous empêche aussi d’inventer une trajectoire politique émancipatrice en phase avec les limites planétaires. (…) https://www.laquadrature.net/2024/11/29/cest-pas-de-lia-cest-de-lexploitation-dernier-cri/

My acousmatic work « gê » will be diffused in an 8-channel version on November 23
@ Projecto DME – Lisboa Incomum





6 to 8 July 2024 : « Thèkè » will be diffused @ Instytut Cybernetyki Sztuki
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.